Chers amis,
Un peu à la manière des chanteurs qui offrent un morceau tous les jours du confinement, je vous propose tous les jours une photo (de mer ou de bateau, évidement !) avec son contexte. Pour naviguer dans les souvenirs ... souvenirs qui peuvent devenir des projets, bien sûr :))

Les parois abruptes du Trollfjord reflètent la dureté des Lofoten, ce petit archipel norvégien, juste au delà du cercle polaire. On imagine ces petites créatures errantes dans les montagnes escarpées et les denses forêts. C’est la crainte de cette nature sauvage qui les a créé. Là, en été, il ne fait jamais nuit et les lumières qui se prolongent à l’infini colorent la vie. Très peu de bruit, très peu de villages et d’habitants, c’est le règne de l’eau et de la pierre qui se nouent et se complètent. Les nuages alternent avec un soleil pâle et doux. Chaque détour d’île et de presqu’île découvre un paysage nouveau et insoupçonné. Tantôt austère et minéral, tantôt verdoyant et champêtre… mais toujours personne, ou quasiment. On laisse glisser l’ancre dans le grand silence des Vikings quand la fatigue se fait sentir. Ce n’est pas la nuit qui nous arrête, dans ce jour éternel.
Juin 2012, à bord de Pampero, TS50.

Pendant la Transat Jacques Vabre, on avait glissé sous spi le long de la côte déchiquetée et couronnée de pics improbables de l’archipel de Fernando de Noronha, à 200 miles de la corne du Brésil. On s’était promis d’y revenir, chose faite quatre ans plus tard, avec le même bateau, en mode croisière. Un paradis tropical. Les conditions d’accès sont chères et très strictes: la permission est d’une centaine de visiteurs à la fois. La faune et la flore sont dignes des Galapagos, l’eau et l’air d’une limpidité étonnante. Tortues, dauphins, frégates et une foule d’autres espèces s’y prélassent, protégées par le statut de l’UNESCO. Même Darwin y séjourna quelque peu en 1832…Mais ce qui coupe le souffle, ce sont les plages de sable blond aux rouleaux parfaits pour le surf que des brésiliens aisés chevauchent, suivis des yeux depuis le rivage par leurs ravissantes compagnes !
Janvier 2012, à bord de Merena, Class40.

Au mouillage à Culebra dans cet archipel méconnu des îles vierges espagnoles, pourtant proche de la côte Est de Puerto Rico. Nous y avons passé des semaines seuls. Ces îles sont passées d’un statut de zone militaire américaine à celui de parc national: pas de restaurants ni d’hôtels, très peu de tourisme. Hormis le samedi soir: de joviaux portoricains avec leurs bateaux de pêche-au-gros débitant de la salsa et des gallons de bière au kilomètre venaient mouiller, tous à couple, pour boire, rire et chanter. Dès le dimanche après midi, les îles retrouvaient leur calme et nous étions à nouveau seuls au monde, face à cette nature si riche et préservée, à regarder nos jeunes enfants grandir et se développer.
Avril 2002, à bord de Mango II, Sun Odyssey 51.

Le bateau glisse sous la lune. La mer, comme enceinte, est suivie par une échographie qui l’accompagnera toute la nuit. Plus besoin de lampe, on évolue dans un clair-obscur plutôt clair, hypnotisé par cette eau brillante qui courre le long du bordé et se regroupe dans le sillage d’argent. On est sûr que l’équipage d’un vaisseau spatial croisant aux confins de l’univers n’est pas plus isolé que nous. L’horizon a disparu dans une explosion de reflets. La perte de nos repaires nous conduit au cœur de rêveries profondes. Des souvenirs enfouis, des sensations oubliées, des bribes de conversations dont les voix se sont tues depuis longtemps. Tout devient soudain accessible. L’eau glisse et l’univers nous inspire un mutisme doux et bienveillant. Seuls mais en lien avec le grand tout.
Novembre 2016, entre le Portugal et les Canaries, à bord de Merena, Class40.

Le jour se lève sur le tout premier mouillage du grand catamaran nouveau-né. On a quitté Lorient - son chantier - le 3 décembre porté par un nordet pratique, soutenu et glacé. Dans la nuit, on entre dans la grande baie de Camariñas au coin de la Galice et on laisse tomber l’ancre devant une plage incroyablement blanche et brillante. Même le corail des plus belles plages antillaises n’ont pas cet éclat. Ce n’est qu’au matin de cette fin de nuit blotti dans nos sacs de couchage que l’on comprend que c’est une belle couche de givre qui lui donne cette couleur. Et la mer toute entière fume comme un bain surchauffé dans le grand calme de l’aube…
Décembre 2017, à bord d’Amalia, TS5.

Le soleil se couche sur le détroit de Gibraltar et dans peu de temps le vent va faire de même. La nuit promet d’être compliquée ! En panne moteur, nous avions cherché une pompe à eau dans toute la ville de Gibraltar, sans succès. Qu’à cela ne tienne: un équipier nous rejoint à Lisbonne avec la pièce dans son sac, on réparera là-bas : allons-y sans moteur ! Dans la pétole, entourés de cargos en tout sens, emportés par les courants, on passe la nuit à scruter, fusées et corne de brume sous la main… Heureusement avec le jour qui se lève arrive une jolie brise qui nous poussera le long de l’Algarve. Une belle navigation à l’ancienne, sans instruments, sans pilote automatique et sans lumière … On a le sentiment de pouvoir tutoyer nos illustres prédécesseurs et leur légendaire « sens marin », celui d’avant la technologie électronique.
Décembre 2010, à bord de Sahona, Sun Odyssey 51

Quelle douceur et quelle élégance de tirer des bords sur cette oeuvre d’art de teck et d’acajou dans les méandres du skaërgarden de Stockholm. Le sillage silencieux, le bordé si bas, les manoeuvres qui s’enchainent sans effort entre les îles et îlots acores. Le toucher délicat du vernis de cette longue barre si précise qui place la carène où on l’avait rêvé. Le vent délicat, la mer calme et le pont sec. Les lumières se prolongent. Et quand vient finalement le soir, il suffit de rapprocher l’étrave du granit et de descendre à pied sec. On se retrouve dans cet immense crépuscule, autour du feu, à se raconter inlassablement les visions de la journée.
Août 2014, à bord de Spyrys, Spirit Yacht 46

Tout est neuf : la Class40 qui se cherche encore, le Merena qui sort de chantier, la première course « Paimpol - Reykjavik » … Les conditions plaisantes du départ sont de courte durée : au large de Rockall la mer et le vent sont au rendez-vous. Les vitesses nous impressionnent. la température descend et le pont est le plus souvent sous l’eau. Nous avons froid, nous sommes fatigués mais à l’attaque. Nous sommes trempés et transi, tous les hublots fuient de même que les soi-disant Gore-Tex high-tech que les partenaires nous ont donnés et dont nous étions si fiers, sur les pontons. On apprend la course au large et ses gerçures mais déjà on sait que ce n’est pas la dernière…
Juin 2006, au large de Rockall, à bord de Merena, Class40
(photo Pascal Habousha)

Au Sud de Rio de Janeiro, dans les alentours de l’étrange ville de Parati dont les rues sont submergées à chaque marée haute, s’étend un archipel. Les îles sont entièrement recouvertes d’une forêt tropicale humide - la mata atlantica - dont les branches descendent jusqu’à l’eau empêchant tout débarquement. En cette fin d’été austral, la température et le manque de vent sont tels que la faune, pourtant importante est assommée pendant la journée. La mer, lisse comme un miroir renvoie des visions étranges de symétrie parfaite. Longtemps après le coucher de l’implacable soleil, la nature se réveille en dispensant cris et bruits improbables ainsi que des senteurs profondes. Trouver le sommeil est difficile tant la chaleur accumulée à bord reste intense.
Mars 2012, à bord de Merena, Class40

Je n’avais jamais échoué ! Les encouragements de ses propriétaires, les caractéristiques du bateau et la curiosité de mon équipage m’y poussait.
« Je connais, l’idéal c’est juste à gauche après l’entrée » affirma un équipier. On mouille, le célèbre granit rose est superbe, le temps très calme et le niveau de l’eau descend. Soudain apparait un gros rocher rond sur tribord, puis un autre ! Plus moyen de changer d’avis, la retraite est coupée. On mets l’annexe dans ce qui reste d’eau pour se déhaler sur l’ancre légère: il y en a un juste sous le bateau ! Ouf. Nous voilà planté dans un champs de rochers qui n’a rien a envier à l’alignement de Carnac. La nuit tombe et chacun regagne sa bannette. Quant à moi, impossible de dormir : si le vent - annoncé dans une direction différente le lendemain - tourne avant que l’eau ne revienne, que va-t-il se passer ? Je prie Neptune pour avoir d’abord l’eau puis le vent… Et il m’entend ! On quitte l’endroit dans la nuit noire, à pas de loup.
Octobre 2017, Anse de St Guirec, Ploumanac’h, à bord de Milonga, Boréal 47

Il y a un an jour pour jour, nous quittions St Martin vers les Acores à bord du grand catamaran. Chaque traversée est une aventure. Nous sommes nombreux à bord, des personnalités incroyablement différentes qui se sont progressivement transformés en un véritable équipage au fil des vagues. L’océan nous a traité avec tact. Personne n’oubliera ces levers de soleil hallucinants. Aussi belle soit la nuit, en mer, on rêve toujours de l’aube qui commence longtemps avant la sortie de l’astre. Couleurs et lumières délicates et variées que le puissant soleil balaye d’un coup puissant et s’impose comme le roi du jour. Il chasse pour de bon les ombres et les rêveries de la nuit et répand dans le carré la familière odeur du café et du pain grillé.
Avril 2019, au milieu de l’Atlantique entre St Martin et Faial, à bord d’Amalia, TS5

Le coup de pistolet de Lucky vient de libérer la flotte. Les ordres se chuchotaient, la vitesse se contrôlait et maintenant, c’est à fond: on borde, on lofe, on monte au rappel, plus vite, plus vite ! Ah la belle adrénaline sur cette eau délicieusement bleue ! Difficile de ne rester attentifs qu’aux penons quand croisent les plus beaux bateaux du monde à quelques mètres. Et que dire du parcours: on est loin de tristes bouées comme marques. Ici ce sont des caps et des îlots où la grande houle de l’Atlantique se brise projetant des gouttelettes irisées. Les paysages ravissent les concurrents et les photographes se délectent de coques étincelantes et de voiles noires sur fond d’azur.
Avril 2013, Voiles de Saint Barth, à bord de Merena, Class40

C’est proche de l’entrée Atlantique du canal de Beagle, en Patagonie chilienne, que se situe la ville, le port et le Yacht Club le plus Sud du monde - Puerto Williams. Pas de ponton mais un vieux navire allemand, racheté par la marine chilienne, à moitié coulé et qui flotte de travers. Il s’appelle Micalvi et c’est là qu’on vient tous s’amarrer, à couple. Dans son carré penché ouvre, à la nuit tombée, le bar le plus Sud du monde. Les verres glissent sur le zinc. Ceux qui y sont accoudés viennent du Pacifique, de l’Atlantique ou de l’Antarctique, ils ont des gueules, des rides de sel, des grosses mains et de longues histoires… de mer, bien sûr. Il fait chaud et on peut ouvrir le ciré, enlever ses bottes et commander des « Pisco Sour »… C’est frais, très sucré et facile à boire. Ca laisse des traces profondes, qui se prolongent jusqu’au lendemain …
Mars 2015, à bord de Juan Sa Bulan III, Boréal 45

A quelque miles de là, entre Ibiza et Formentera, c’est l’horreur nautique. On peste contre Tabarly, les GPS et les tablettes électroniques qui ont rendu la navigation si accessible. Du jetski au megayacht en passant par les ferries rapides, c’est plus de 4.000 bateaux par jour qui croisent là. Leur manque d’éducation et de sens marin n’a d’égal que leur arrogance. Pas l’ombre d’une brise et pourtant la mer est hachée de sillages qui rendent le mouillage rouleur et dangereux. Mais, quand la houle le permet, il reste la côte Nord d’Ibiza la belle, comme un refuge. Là, personne, des parois de rochers dans lesquels s’accrochent une végétation rare mais odorante et les lumières chaudes du couchant dans cet air rendu plus frais par l’approche de la nuit…
Août 2018, à bord d’Amalia, TS5

Pas d’panique, c’est du cinema ! Un court métrage pour illustrer l’intégration du système de positionnement Galileo dans le GMDSS. Un vrai tournage avec une foule de techniciens, de stagiaires, d’artistes en tout genre. On navigue, on percute (pour de faux!) un container de bois et de carton peint puis, en combi de survie, on percute le radeau et on saute dedans avec une mer formée et six beaufort. Vivifiant ! Le cinéma est vraiment un monde à part: hiérarchique et lent. Les meilleurs souvenirs restent les soirées de briefing-débriefing à Ostende avec le « boss » Olivier van Hoofstad (Dikkenek).
Mai 2015, à bord de Spyrys, Spirit Yacht 46

Amateur compulsif de coucher de soleil. Les disques durs en sont pleins et pourtant, toute affaire cessante, lorsque le soleil s’approche de la ligne d’horizon, je ne peux pas restreindre la prise de l’appareil… « Ils sont tous différents » : je l’affirme comme pour m’excuser. Et c’est vrai. Il y a les grandioses, les wagnériens, les tourmentés, les doux, les timides, les purs et simples, les discrets. Certains sont même plus beaux longtemps après que l’astre ait disparu. Il n’y a pas que le ciel qui s’embrase, parfois la mer aussi se colore de reflets profonds. Les nuages participent au scénario, ils encadrent et rehaussent. Le choix est difficile: Celui-ci est breton, au large de Perros-Guirec et des Sept-Iles en route vers le Jaudy, dans un printemps précoce et encore très frais !
Avril 2016, à bord de Merena, Class40

La mer lasse parfois de ses horizons brouillés, de ses vagues qui aux vagues succèdent sans que ni l’oeil ni l’esprit ne se trouve aiguisé par une surprise. La solitude du temps qui s’est arrêté. Même les mouvements du bateau sont devenus si familiers qu’ils semblent obéir à un rythme régulier qui n’affecte plus les postures et les mouvements. Une lévitation du corps et de l’âme, une dés-appartenance au genre humain. Alors que la luminosité descend dans le jour qui tombe et que l’on se résigne à passer dans la nuit sans transition ni réconfort, une lueur à l’horizon rassure, nous rappelle que le monde est là, bienveillant, et que demain sera - sûrement - plus beau qu’aujourd’hui.
Janvier 2008, à l’approche de l’île de Faial, aux Açores, à bord de Merena, Class40

La ville est calme depuis 1902… Il y règne une curieuse lassitude douce, une nostalgie du temps où on l’appelait « le petit Paris ». Son passé d’avant la catastrophe est glorieux: richesse des arts et un soutien de la première heure à la cause abolitionniste. Mais la Montagne Pelée, qui surpombe, balaye tout. Une nuée ardente de 1000 degrés entre dans la ville à 600 Km/h, tue 26.000 personnes et coule 40 navires en rade. Au lendemain, le pillage d’Etat succède au pillage des habitants avoisinants. Rien ne sera rendu aux familles et peu après la loi rayera la ville des communes de France… Même la lumière adorable lumière du couchant ne peut faire oublier cette tragédie et c’est avec un soupçon de défiance que l’on regarde la Montagne…
Décembre 2018, à bord d’Amalia, TS5

Juste après l’aube dans le Canal de Beagle, au nord de l’île Gordon. Nos yeux européens ne sont pas habitués à ces lumières, à ces immensités, à cette solitude. Pas une maison, pas une clôture, pas un avion dans le ciel. Derrière ces montagnes, il y en a d’autre, toutes aussi vierges, comme un vertige. Des sommets que personne n’a foulé, des vallées inaccessibles, des glaciers acérés. On respire à fond et on contemple. Comme une évidence, il n’est pas question d’asservir cette nature là. On est simplement ému, les bras le long du corps et le sourire au lèvres. L’air très frais du matin nous transperce, les pieds s’enfoncent dans la terre détrempée et l’huitrier n’a même pas peur, que pouvons contre lui ? Cette fragilité est une douce et heureuse leçon.
Mars 2015, à bord de Juan Sa Bulan III, Boréal 45

Quelle machine ce plan Farr construit en Nouvelle-Zélande… Aussi performant qu’inconfortable ! La photo date du retour de la « Round Britain & Ireland Race », course aux instructions délicieusement simples: « tout à tribord ». Et il y en a des îlots dans le Nord ! De Skellig à Barra, de Sainte Kilda à Muckle Flugga, le parcours dépayse et l’accueil aux escales désarme. Nous gagnons les cinq manches et améliorons le record de cette course classique. Des images resteront: le Fastnet à l’aube, les bords de près en arrivant à Lerwick, les incroyables surfs entre les plateformes pétrolière de la Mer du Nord et la pétole ensoleillée en Manche… Des manoeuvres sereines, une décontraction concentrée, une maîtrise magistrale: merci Michel, j’ai tant appris !
Juin 2014, Chenal de Nieuwpoort, à bord de VisitBrussels, Class40
Photo Pascal Habousha.

Et puis, sortant de l’horizon, elle apparut. Superbe dans les couleurs du couchant. Majestueuse et symbolique, elle sépare les océans. La « Table Mountain », tant de navigateurs l’ont espéré et elle s’offre à nous après 26 jours de grand large. Nous ne manquons de rien et la mer a été tendre avec nous. On se rase et on range, on nettoie, on se prépare à la nouvelle ville, au nouveau pays, au nouveau continent, au nouveau monde… On se réjouit de découvrir, de ressentir ce que l’on avait seulement lu jusqu’alors. Les minutes deviennent des heures, notre rythme du large est rompu, la terre est là, toute proche et le vent tombe. L’eau est si froide que nous sommes habillés comme en hiver mais on sait que demain ce sera l ‘été, qu’on jouera aux touristes dans les bars de Camp’s Bay en jouissant - enfin - de la faune cosmopolite. Qu’il est doux d’arriver.
Mars 2012, arrivée à Cape Town, à bord de Merena, Class40

Qui êtes-vous ? Tant de rencontres, tant de miles en votre compagnie sans comprendre. Depuis l’intérieur du bateau on entend vos appels, qui cessent à notre apparition. Vous nagez sur le côté pour accrocher nos regards. Vous faites parfois des cabrioles qui ressemblent à des spectacles. Pour qui ? Pour nous ? Mais d’où vient ce contact, cet amour ? Un passé commun que vous essayez de nous remémorer ? Un message, une demande, un avertissement ? Certains ont analysé votre voix, vos comportements, vous ont dressé, capturé, certains vous exterminent… Pardonnez-nous et continuez à émerveiller nos quarts. Rien n’est plus beau que vos sillages de plancton, dans la nuit.
Février 2018, entre La Gomera et Hierro, Iles Canaries, à bord d’Amalia, TS5

Il doit y avoir un point central. Un point concentrique qui est l’aboutissement de tout, qui attire tout. Un vortex purificateur. J’aime à l’imaginer au milieu d’un océan, au plus loin de la terre. Un courant lascif y mènerait, imperceptible mais ferme. Un passage vers autre chose, ici ou ailleurs, passé ou avenir ? Loin d’y être broyé, on passerait dans une dimension différente. Ce point serait plutôt une origine, finalement. Un point qui envoie. Nous serions devenus les légats, les témoins éveillés d’une transformation. Le courant nous éloignerait alors en cercles allant s’élargissant. Mais l’océan se ressemble, impossible de savoir si nous avons changé d’espace ou de temps. Allons nous croiser le Kon Tiki, un vaisseau spatial, ou aborder une Atlantide … ou simplement retrouver la maison ?
Avril 2019, arrivée du front froid, milieu de l’Atlantique, à bord d’Amalia, TS5

Qu’il doit être étrange de vivre là… Pas vraiment un bateau, pas vraiment une île. Entre ciel et mer, suspendu, un voyage arrêté. Les vagues ne rencontrent pas la souplesse d’une coque qu’elles promènent, elles se brisent avec violence et incrédulité. La résistance est un leurre, il faut plier, ruser, composer. Pas s’opposer. Je n’ose imaginer l’annonce du mauvais temps, quand la ligne de nuage noir approche, que le vent tourne, que la mer se creuse. Pas d’échappatoire, un piège qui se referme, l’espérance comme seul bouclier. Mais quand tout se calme, que le soleil luit sur l’onde heureuse et qu’un beau voilier passe tout près, toutes voiles dehors, quel paysage devons-nous offrir aux prisonniers volontaires de ces poutrelles métalliques !
Juin 2019, en Mer du Nord entre Harwich et Scheveningen, à bord d’Amalia, TS5

La mer est au delà de notre portée. On ne peut ni la borner ni la contenir, elle se joue de nous. Qu’un vent l’agite, qu’un ouragan la déchaine, qu’un froid la gèle. Les quelques kilomètres de profondeurs nous sont plus inconnus que les planètes du système solaire. Des montagnes, des vallées, des plaines abyssales dont nous ignorons tout. On ne fait que passer et repasser en deux dimensions, tout au plus on explore les premiers mètres. Comme ces insectes qui marchent sur la surface en l’effleurant à peine. Peut-être est-ce de là qu’elle tire son mystère et notre attirance ? Des mondes engloutis, des animaux étranges, des paysages insoupçonnés. Une autre vie dans l’obscurité, d’autres équilibres, d’autres communautés. L’imagination supplée l’exploration. Et l’on se prend à soudain rêver en 3D quand notre sillage griffe la surface…
Décembre 2019, Atlantique entre Grande Canarie et Ste Lucie, à bord d’Amalia, TS5

La mer est belle, le soleil doux, il suffit de larguer les amarres, de hisser les voiles et de partir droit devant soi. Viens ma blonde, conduis-nous au bout du monde ! La carène glisse dans ce chuintement qu’on aime, le sillage fluide s’efface, on a presque rien dérangé. Comme la lame du patin sur la glace. Alors, si on continuait ? Tout droit. Tout est accessible, les lagons polynésiens, les fjords de Norvège, les îles de l’Océanie… Il suffit de ne pas affaler et de garder les yeux braqués sur l’étrave. Ne changera que la couleur de l’eau et la forme des vagues, toujours renouvelées, jamais pareilles. La bonne nouvelle, c’est qu’on ne risque rien, la mer est ronde.
Mai 2011, au large de Nieuwpoort, à bord de Merena, Class40

C’est un lien semblable qui unit le berger et sa brebis. Un mélange d’amour et d’autorité. Le routeur et son marin au large, une confiance réciproque dans les analyses et les réactions, dans le factuel et le spirituel, dans l’objectif et le subjectif. Spécialement quand au milieu d’un océan il est question de s’éloigner fortement de la route directe pour éviter un mauvais plan ou pour optimiser une option. Au moment de la manoeuvre, le regard des équipiers qui - silencieusement - envoie des remarques à peine voilées: « pourquoi va-t-on par là ? » « on va perdre des places au classement » « le détour est-il vraiment utile ? » … Alors, bien sûr on doute, on se retourne dans sa bannette, on entend malgré soi les conversations du quart en service qui digresse sur l’option. Mais quelle est la vraie valeur de la confiance s’il n’y a pas de doute ? La certitude est l’inverse de la foi, celui qui sait ne croit pas.
Juillet 2013, entre St Pierre et Miquelon et Cowes, à bord de Merena, Class40

Je n’ai jamais aimé les plages mais surtout je déteste le sable. Il s’insinue partout et on finit toujours par le retrouver dans les fonds … Vingt ans à y conduire des équipages… un calvaire ! Mais… Il y en a une qui trouve grâce … D’abord elle n’est pas de sable mais de corail pilé, si fin qu’on dirait de la farine. Et elle n’est pas surpeuplée… Les lumières sont étonnantes: de l’azur profond de l’eau qui vire au jade quand passe un nuage d’alizé au blond délicat du sable et à l'émeraude de la modeste végétation. Sa douceur au pied est déconcertante. Si loin que porte le regard, la même sérénité et le mouvement régulier et envoutant de la dernière petite vague qui vient humecter la grève et laisser un dessin suggestif.
Février 2019, entre Cocoa Point et Palmetto Point, île de Barbuda, à bord d’Amalia, TS5

Les mouvements ont diminué, le bruit aussi. La force du vent descend, la mer s’allonge, se tasse. On dort mieux, plus longtemps, plus sereinement. On en avait besoin. On raffine la cuisine, on sourit davantage, on écoute de la musique plus calme et plus planante. Tout s’atténue, tout glisse sans effort. Jusqu’au calme absolu... Le bateau est maintenant tout à fait arrêté, les derniers grincements et claquements ont disparu. Le ciel se reflète dans la mer et la mer sur la base des nuages figés. Les voiles pendent sans comprendre, les instruments n’indiquent plus rien d’intéressant. Monte alors une sourde angoisse. Et s’il ne revenait jamais, le vent. Si nous étions là pour l’éternité ? Jouet de l’océan, microbe cosmique abandonné.
Avril 2012, Grande pétole entre Rio de Janeiro et Cape Town, au milieu de l'Atlantique Sud, Merena, Class40.
(Je ne me souviens plus si la photo est de Pierri ou de moi... disons qu'elle est de nous !)

Sur le port de Reykjavik, quand on évoquait son contournement à la voile, les vieux îliens baissaient les yeux. Le snaefellsjökul est un volcan endormi à l’Ouest de l’Islande. Sur un ton grave: « Si les extra-terrestres viennent un jour sur terre, ce sera là le rendez-vous ». Bien sûr on a souri. Mais plus tard, surpris par les vents catabatiques et les rafales venues de nulle part, sous ce dôme menaçant, on a compris et acquiescé. Oui, la rencontre va se faire là, dans les pentes vertigineuses qui plongent de 1400 m tout droit dans l’océan, . D’ailleurs Jules Vernes ne s’est pas trompé. C’est par un de ses cratères, qu’on ne voit pas de la mer, qu’il fait entrer les deux géologues allemands et leur guide islandais dans le voyage au centre de la terre. La vision de cette montagne sauvage, inquiétante et sublime, restera gravée pour toujours dans notre histoire de marin
Juillet 2006, dans l’étape retour de la course « skipper d’Islande », Grudarfjordür - Paimpol, sur Merena, Class40.

Les marins sont superstitieux. Si on leur dit que quitter Horta sans avoir peint la trace de son passage porte malheur, les fresques abondent sur le quai. Des centaines d’oeuvres, grandes et petites, poétiques ou conquérantes, artistiques ou informatives. Qu’il est doux, dans la lumière pure du crépuscule de cette île préservée, d’arpenter le port, les mains derrière le dos en admirant et commentant les souvenirs des bateaux amis retrouvés par hasard. Voisins de mouillage, rencontre d’une autre mer, d’un autre continent mais toujours frères d’océan. Déjà le soir tombe et il est temps de rejoindre le Peter Café Sport pour le Gin do Mar… Dans la marine, on ne plaisante pas avec les traditions.
Mars 2008, de retour de la Transat Jacques Vabre, Horta, Faial. Félix sur Merena, Class40

Au sud de la charmante Gomera dans l’archipel des Canaries, une étrange rencontre… Sur la grève, de gros galets et derrière des grottes dans les falaises. Aucune route ne mène là et pas de bâtiments en vue. Mais quelque chose a bougé… Passe-moi les jumelles ! Oui, il y a des gens… Ils sont même nombreux. Ils semblent vivre là, nus ou couverts d’étoffes hippies, portant les enfants. Par petits groupes ils sont assis sur leurs talons et attendent le crépuscule dans une sérénité que nous ignorons. Leurs gestes sont lents, mesurés, emprunts de tranquillité. La focale des jumelles passe d’un groupe à l’autre, comme si nous observions des grands singes dans la forêt équatoriale. Pourtant ils sont humains, tellement humains… Ils ont tourné le dos à la modernité, ils vivent sans eau courante et sans électricité. Des familles, des enfants, toute une communauté. La lumière leur vient du soleil et l’eau de la pluie ou de la mer. La nuit s’avance et la fumée des feux monte droite dans la douceur du soir.
Février 2018, Punta del Joradillo, La Gomera, à bord d’Amalia, TS5
Photo Tom de Dorlodot.

Nous sommes nés pour pousser les murs, éloigner l’horizon. Depuis la plus tendre enfance, en montant sur le banc en bois de ma chambre, je regardais au loin. Sur le mur, derrière moi, trônait une carte du monde, une belle projection de Mercator avec les pays de toutes les couleurs et les océans d’un bleu ciel uniforme et attirant. Les noms me faisaient rêver: « détroit de Gibraltar, Mer Rouge, Golfe du Bengale, Mer de Chine, Mer de Cortez, … ». Et cette ligne, celle de la victoire de Philéas Fogg, celle où aujourd’hui c’est déjà demain ou encore hier. J’y mesurais les distances, j’imaginais les rivages tropicaux et les grèves enneigées. J’avais 6 ans quand mon père a armé un bateau pour chercher du pétrole au Svalbard. Des mois plus tard, il était rentré, bredouille mais barbu et dans un parkas en peau de phoque. Il n’en fallait pas plus pour alimenter mes rêves d’ours blanc et de banquise. La maison était devenue un vaisseau que je commandais depuis l’appui de fenêtre de ma chambre en lançant des ordres de barre à l’équipage que je m’étais inventé.
1971, Port de Tromsø, Norvège, le Norhope (« espoir du Nord »), ancien cargo transformé en bâtiment d’expédition pétrolière.

Ville éternelle, ville de marins. Quelle pureté quand le soleil se lève et que les japonais sont encore endormis. La petite marina de San Giorgio Maggiore offre la plus belle vue, comme celle de Liberty Landing du New Jersey sur Manhattan… Dans une heure l’eau du grand canal sera lacérée de mille et un vaporetto, les remous rendront la navigation pénible dans la quasi-pétole estivale. Mais pour l’heure la douceur de l’onde fait écho à celle de la lumière et la ville endormie se livre et séduit. Le faste passé se lit dans chaque pierre qui renvoie les intrigues et les drames d’une histoire tumultueuse. Comme un décor de théâtre que les artistes auraient déserté. En face, à deux pas de la Place Saint Marc, la Compagnia della Vella surplombe le quai. Un Yacht Club d’une élégance absolue, à l’italienne, si raffinée et si légèrement surannée. Il n’y a pas de pâtes au menu.
Juillet 2017, San Giorgio Maggiore, à bord de Spyrys, Spirit Yacht 46.

Qui n’a pas rêvé de cette image ? … L’azur parfait, la douceur du souffle de l’alizé sur la peau nue, les nuées éternellement bleues et limpides, l’eau tiède et d’un bleu puissant, presque artificiel. L’aboutissement d’une longue traversée où on aura aspiré au premier plongeon, au premier coucher de soleil immobile, au premier verre de cocktail sucré à base de rhum agricole … Ces rêves se sont construit peu à peu dans les rues tristes et grises d’une trop grande métropole de notre vieille Europe. Un abribus, une couverture de magazine, une carte postale. On peut plonger dans cet univers de couleurs et de lumière, s’y prélasser, en abuser, y allonger scandaleusement le temps imparti à l’homme du Nord normal. On peut se faire tatouer le corps et glisser une fleur de tiaré dans les cheveux, on peut vivre longtemps en paréo et en tongues sous les cocotiers. Rien y fait. Notre vrai « Chez nous » c’est dans les dépressions, les fronts, le crachin, les grandes marées et le varech. L’azur n’est qu’une courte récompense … ou un rêve profond. Mais qu’il est bon de rêver !
Janvier 2020, mouillage au vent de Petit-Saint-Vincent, Grenadines, à bord d’Amalia, TS5

« Dieu a créé le monde, sauf la Hollande qui a été faite par les Hollandais »*. L’eau brune, chargée de sable de la mer du Nord est contenue, régulée. La grande inondation de 1953 a initié un travail de titan, un archipel transformé en presqu’îles. Des années nous avons sillonné ces plans d’eaux protégés mais si trompeurs: du sable partout, des courants puissants, des ports charmants mais minuscules et des clochers sous les digues. Chaque ouvrage est démesuré, les arches du pont de Zélande, l’immense écluse entre l’Oosterschelde et le Volkerak et bien sûr les digues du Neeltje Jans qui s’ouvrent ou se ferment quand la tempête approche. Quand on vient s’amarrer, on ressent la puissance de l’ingénierie, la modélisation de la nature par l’homme. L’indétermination naturelle des éléments est évacuée, tout est maîtrisé, canalisé, balisé. L’eau sera douce ou salée au bon vouloir des ingénieurs… Le béton et l’acier gagnent contre le sable et la boue.
Décembre 2019, Oosterscheldekering, à bord du 00-F80, MCR Pick up, ULM
* l’auteur de cette maxime est introuvable…

Les marins aiment les cartes. Qu’elles soient sur papier ou sur écran. Du rêve hivernal quand on la déplie sur la table de la cuisine pour planifier, au suivi de la route quand on descend dans le carré, ciré trempé, pour vérifier sans s’assoir. Elle aide, guide, rassure, dompte la nature en l’asservissant à quelques symboles. Merci Gérard ! Depuis 1538 les marins ont une carte vraiment utile, grâce à lui. Condamné pour hérésie, il parvient à s’en tirer et meurt vieillard, serein d’avoir livré au monde une invention qui s’utilise encore cinq siècles plus tard… Bien sûr dans le politiquement incorrect, il a positionné l’équateur assez bas pour placer Anvers bien au milieu. Bien sûr, pour les besoins de cause, il a tant déformé les régions polaires que le Groenland apparait de la taille de l’Afrique … Mais que ferait-on sans lui ? Il est bon d’y penser quand d’un doigt nonchalant on change d’échelle ou que l’on jette un waypoint sur la tablette. Et puis, surtout, n’oublions jamais, comme le disait un vieil ami, « quand la réalité et la carte diverge, c’est la réalité qui a raison ».

La tension vers l’infini, nous qui soufrons des balises du temps. La quiétude éternelle, abstraite, blesse notre condition. Le spectacle se joue pour lui-même, notre présence l’indiffère, une scène aux spectateurs clairsemés. Que se passe-t-il au loin, derrière l’horizon par lequel nous sommes arrivés sur cette île ? On le connait sans le cerner, sans le contraindre en aucune façon. On a reçu en cadeau une de ses humeurs, il y en a tant d’autre. Où est-ce, d’ailleurs ? Sous cette ombre ? Plus loin ? Nos bornages sont dérisoires, notre esprit et notre coeur ne peut englober toutes ces vagues, ces crêtes d’écume, ces pentes, ces couleurs. Les nuages défilent et dessinent sans dessein. Comme un peintre, on veut retenir cette beauté, la conserver, mais on sait qu’elle coule entre les doigts comme du sable fin. Personne ne reverra ce paysage, jamais. Demain, quand nous ne seront plus, tout sera différent.
Mars 2018, Ile de Faial, Acores, à bord d’Amalia.

Dans le Zodiac qui arbore fièrement le drapeau « Photographer », je me régale. C’est le départ. C’est la voile technologique, la voile utile, la voile commerciale. Les spectateurs privilégiés, triés, sont là pour négocier des accords, vendre ou acheter. La voile comme un décor, un fond d’écran sur lequel s’alignent des chiffres. La course même s’oriente vers les business centers, aux organisateurs de s’arranger avec les contraintes météos. Les bateaux sont identiques pour rester au contact et faire du tour du monde une régate planétaire. Ils sont conçus pour lever une vague d’étrave qui courra sur le pont, rincera l’équipage et garantira l’image totale: « Life at the extreme » … Chacun embarque un media-man pour relayer dans les bureaux de Stockholm à New York, d’Abou Dabi à Pékin les images qui illustreront les slides des présentations des nouveaux produits. Mais dans cette après midi laiteuse, les visions du départ chassent ces mauvaises pensées et ravissent dans un chatoiement de couleurs.
Octobre 2014, Alicante, départ de la Volvo Ocean race.

El Hierro était la fin du monde. Les limites de la connaissance et même de la raison: on imaginait toutes sortes d'ignominies peuplées de monstres marins et de précipices qui happeraient les marins audacieux. Plus tard, on découvrit que la déclinaison magnétique y était nulle ce qui renforça l'idée d'une limite géographique absolue. Et quand il fallu quadriller le monde, si l'axe de Equateur s'imposait, celui du méridien d'El Hierro sembla très naturel pour démarrer le comptage des longitudes. Ce n'est d'ailleurs qu'en 1884, à l'avènement de l'empire britannique, que son cousin de Greenwich lui fut préferré. L'île retrouva alors son statut de modeste petit volcan avec ses vallons de terre brunâtre, ses forêts de pins bleutés et ses falaises surplombant l'océan. La vie s'écoule à une vitesse géologique. Les habitations sont fonctionnelles à défaut d'être jolies et les habitants aussi chaleureux que leur nature est sauvage. Colomb y aurait séjourné en partant pour son deuxième voyage et on se dit que c'est probablement la dernière fois qu'il s'y est passé quelque chose... Le ferry est son lien ténu avec le monde. Il a permit à sa jeunesse de s'échapper laissant l’île abandonnée à son sort minéral. Les rues restent vides à la tombée du jour. Les villages s'étiolent. Les bergers, barbus comme dans nos campagnes d'antan, veillent sur de maigres troupeaux de moutons blanc-gris.
Février 2016, Ile de Hierro, Canaries, à bord de Merena, Class40
|